Lord Bacon says that atheism leaves to man reason, philosophy, natural piety, laws, reputation, and everything that can serve to conduct him to virtue; but superstition destroys all these, and erects itself into a tyranny over the understandings of men: hence atheism never disturbs the government, but renders man more clear-sighted, since he sees nothing beyond the boundaries of the present life.—Bacon’s Moral Essays.

La première théologie de l’homme lui fit d’abord craindre et adorer les éléments même, des objets matériels et grossiers; il rendit ensuite ses hommages à des agents présidant aux éléments, à des génies inférieurs, à des héros, ou à des hommes doués de grandes qualités. A force de réfléchir il crut simplifier les choses en soumettant la nature entière à un seul agent, à un esprit, à une âme universelle, qui mettait cette nature et ses parties en mouvement. En remontant de causes en causes, les mortels ont fini par ne rien voir; et c’est dans cette obscurité qu’ils ont placé leur Dieu; c’est dans cet abîme ténébreux que leur imagination inquiète travaille toujours à se fabriquer des chimères, qui les affligeront jusqu’à ce que la connaissance de la nature les détrompe des fantômes qu’ils ont toujours si vainement adorés.

Si nous voulons nous rendre compte de nos idées sur la Divinité, nous serons obligés de convenir que, par le mot Dieu, les hommes n’ont jamais pu désigner que la cause la plus cachée, la plus éloignée, la plus inconnue des effets qu’ils voyaient: ils ne font usage de ce mot, que lorsque le jeu des causes naturelles et connues cesse d’être visible pour eux; dès qu’ils perdent le fil de ces causes, ou dès que leur esprit ne peut plus en suivre la chaîne, ils tranchent leur difficulté, et terminent leurs recherches en appellant Dieu la dernière des causes, c’est-à-dire celle qui est au-delà de toutes les causes qu’ils connaissent; ainsi ils ne font qu’assigner une dénomination vague à une cause ignorée, à laquelle leur paresse ou les bornes de leurs connaissances les forcent de s’arrêter. Toutes les fois qu’on nous dit que Dieu est l’auteur de quelque phénomène, cela signifie qu’on ignore comment un tel phénomène a pu s’opérer par le secours des forces ou des causes que nous connaissons dans la nature. C’est ainsi que le commun des hommes, dont l’ignorance est le partage, attribue à la Divinité non seulement les effets inusités qui les frappent, mais encore les évènemens les plus simples, dont les causes sont les plus faciles à connaître pour quiconque a pu les méditer. En un mot, l’homme a toujours respecté les causes inconnues des effets surprenans, que son ignorance l’empêchait de démêler. Ce fut sur les débris de la nature que les hommes élevèrent le colosse imaginaire de la Divinité.

Si l’ignorance de la nature donna la naissance aux dieux, la connaissance de la nature est faite pour les détruire. A mesure que l’homme s’instruit, ses forces et ses ressources augmentent avec ses lumières; les sciences, les arts conservateurs, l’industrie, lui fournissent des secours; l’expérience le rassure ou lui procure des moyens de résister aux efforts de bien des causes qui cessent de l’alarmer dès qu’il les a connues. En un mot, ses terreurs se dissipent dans la même proportion que son esprit s’éclaire. L’homme instruit cesse d’être superstitieux.

Ce n’est jamais que sur parole que des peuples entiers adorent le Dieu de leurs pères et de leurs prêtres: l’autorité, la confiance, la soumission, et l’habitude leur tiennent lieu de conviction et de preuves; ils se prosternent et prient, parce que leurs pères leur ont appris à se prosterner et prier: mais pourquoi ceux-ci se sontils mis à genoux? C’est que dans les temps éloignés leurs législateurs et leurs guides leur en ont fait un devoir. “Adorez et croyez,” ont-ils dit, “des dieux que vous ne pouvez comprendre; rapportez-vous-en à notre sagesse profonde; nous en savons plus que vous sur la divinité.” Mais pourquoi m’en rapporterais-je à vous? C’est que Dieu le veut ainsi, c’est que Dieu vous punira si vous osez résister. Mais ce Dieu n’estil donc pas la chose en question? Cependant les hommes se sont toujours payés de ce cercle vicieux; la paresse de leur esprit leur fit trouver plus court de s’en rapporter au jugement des autres. Toutes les notions religieuses sont fondées uniquement sur l’autorité; toutes les religions du monde défendent l’examen et ne veulent pas que l’on raisonne; c’est l’autorité qui veut qu’on croie en Dieu; ce Dieu n’est lui-même fondé que sur l’autorité de quelques hommes qui prétendent le connaître, et venir de sa part pour l’annoncer à la terre. Un Dieu fait par les hommes a sans doute besoin des hommes pour se faire connaître aux hommes.


  By PanEris using Melati.

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