vois
Caché dessous quelque verdure
Se plaint d'eux, et leur dit injure.
Si fait bien l'Arondelle aussi
Quand elle chante son cossi.
  Ne laissez pas pourtant de dire
Mieux que devant la tirelire,
Et faites crever par despit
Ces menteurs de ce qu'ils ont dit.
Ne laissez pour cela de vivre
Joyeusement, et de poursuivre
A chaque retour du Printemps
Vos accoustumez passetemps:
Ainsi jamais la main pillarde
D'une pastourelle mignarde
Parmi les sillons espiant
Vostre nouveau nid pepiant,
Quand vous chantez ne le desrobe
Ou dans son sein ou dans sa robe.
Vivez oiseaux et vous haussez
Tousjours en l'air, et annoncez
De vostre chant et de vostre aile
Que le Printemps se renouvelle.


72   Institution pour l'Adolescence du Roy
tres-chrestien Charles IX de ce nom
SIRE, ce n'est pas tout que d'estre Roy de France,
Il faut que la vertu honore vostre enfance:
Un Roy sans la vertu porte le sceptre en vain,
Qui ne luy est sinon un fardeau dans la main.
  Pource on dit que Thetis la femme de Pelée,
Apres avoir la peau de son enfant bruslée,
Pour le rendre immortel, le print en son giron,
Et de nuict l'emporta dans l'antre de Chiron,
Chiron noble centaure, à fin de luy apprendre
Les plus rares vertus dés sa jeunesse tendre,
Et de science et d'art son Achille honorer.
  Un Roy pour estre grand ne doit rien ignorer.
Il ne doit seulement sçavoir l'art de la guerre,
De garder les citez, ou les ruer par terre,
De picquer les chevaux, ou contre son harnois
Recevoir mille coups de lances aux tournois:
De sçavoir comme il faut dresser une embuscade,
Ou donner une cargue ou une camisade,
Se renger en bataille et sous les estendars
Mettre par artifice en ordre les soldars.
  Les Rois les plus brutaux telles choses n'ignorent,
Et par le sang versé leurs couronnes honorent:
Tout ainsi que lions qui s'estiment alors
De tous les animaux estre veuz les plus fors,
Quand ils ont devoré un cerf au grand corsage,
Et ont remply les champs de meurtre et de carnage.
  Mais les Princes mieux naiz n'estiment leur vertu
Proceder ny de sang ny de glaive pointu,
Ny de harnois ferrez qui les peuples estonnent,
Mais par les beaux mestiers que les Muses nous donnent.

  Quand les Muses qui sont filles de Jupiter
(Dont les Rois sont issus) les Rois daignent chanter,
Elles les font marcher en toute reverence,
Loin de leur Majesté banissant l'ignorance:
Et tous remplis de grace et de divinité,
Les font parmy le peuple ordonner equité.
  Ils deviennent appris en la Mathematique,
En l'art de bien parler, en Histoire et Musique,
En Physiognomie, à fin de mieux sçavoir
Juger de leurs sujets seulement à les voir.
  Telle science sceut le jeune Prince Achille,
Puis sçavant et vaillant fit trebucher Troïlle
Sur le champ Phrygien et fit mourir encor
Devant le mur Troyen le magnanime Hector:
Il tua Sarpedon, tua Pentasilée,
Et par luy la cité de Troye fut bruslée.
  Tel fut jadis Thesée, Hercules et Jason,
Et tous les vaillans preux de l'antique saison,
Tel vous serez aussi, si la Parque cruelle
Ne tranche avant le temps vostre trame nouvelle.
  Charles, vostre beau nom tant commun à nos Rois
Nom du Ciel revenu en France par neuf fois,
Neuf fois, nombre parfait (comme cil qui assemble
Pour sa perfection trois triades ensemble),
Monstre que vous aurez l'empire et le renom
De huit Charles passez dont vous portez le nom.
Mais pour vous faire tel il faut de l'artifice,
Et dés jeunesse apprendre à combatre le vice.
  Il faut premierement apprendre à craindre Dieu,
Dont vous estes l'image, et porter au milieu
De vostre coeur son nom et sa saincte parole,
Comme le seul secours dont l'homme se console
  En apres si voulez en terre prosperer,

Vous devez vostre mere humblement honorer,
La craindre et la servir: qui seulement de mere
Ne vous sert pas icy, mais de garde et de pere.
  Apres il faut tenir la loy de vos ayeux,
Qui furent Rois en terre et sont là haut aux cieux:
Et garder que le peuple imprime en sa cervelle
Le curieux discours d'une secte nouvelle.
  Apres il faut apprendre à bien imaginer,
Autrement la raison ne pourroit gouverner:
Car tout le mal qui vient à l'homme prend naissance
Quand par sus la raison le cuider a puissance.
  Tout ainsi que le corps s'exerce en travaillant,
Il faut que la raison s'exerce en bataillant
Contre la monstrueuse et fausse fantaisie,
De peur que vainement l'ame n'en soit saisie.
Car ce n'est pas le tout de sçavoir la vertu:
Il faut cognoistre aussi le vice revestu
D'un habit vertueux, qui d'autant plus offence,
Qu'il se monstre honorable, et a belle apparence.
  De là vous apprendrez à vous cognoistre bien,
Et en vous cognoissant vous ferez tousjours bien.
Le vray commencement pour en vertus accroistre,
C'est (disoit Apollon) soy-mesme se cognoistre:
Celuy qui se cognoist est seul maistre de soy,
Et sans avoir Royaume il est vrayment un Roy.
  Commencez donc ainsi: puis si tost que par l'âge
Vous serez homme fait de corps et de courage,
Il faudra de vous- mesme apprendre à commander,
A ouyr vos sujets, les voir et demander,
Les cognoistre par nom et leur faire justice,
Honorer la vertu, et corriger le vice.
  Malheureux sont les Rois qui fondent leur appuy
Sur l'aide d'un commis, qui par les yeux d'autruy


  By PanEris using Melati.

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